jeudi 13 juin 2013

L'autre côté de mon monde

               Le plus étrange dans ma vie en ce moment, c'est de passer de l'autre côté de la barrière. On se dit que ça ne nous arrivera pas , que c'est qu'aux autres . Et on se retrouve la , à la place du patient. Ce qui est rassurant c'est que j'ai travaillé dans cette unité , je sais comment tout marche , je sais quel neurologue est doux et compétent , je sais quelle infirmière et quelle aide soin font tout pour leur patient. Je connais les jemenfoutistes , je sais que je vais sortir mais quand  ? 
        Ils parlent d'écarter le plus gros problème, un problème neuro-vasculaire. Ils ne savent pas précisément. Ils font des examens complémentaires. C'est pour ça que je suis la. J'ai toujours la tête qui tourne après cette première nuit angoissante. J'aime l'hôpital mais pas de ce point de vue. 
La perfusion qu'on m'a mis aux urgences me fait mal. Ça frappe à l'intérieur de ma boîte crânienne. J'ai peur. Et je suis gênée et humiliée. Ils étaient beaucoup autour de moi quand je suis arrivée. Ils m'ont déshabillé et collé des patchs qui font mal en les retirant . Je suis reliée à un scop pour vérifier ma tension , mes pulsations, ma saturation en oxygène. Ça me fatigue. J'ai le bras serré toutes les heures par ce brassard qui gonfle et me gonfle. On m'a réveillé deux, trois fois de plus parce que ma tension ne faisait que chuter. Je suis descendue a 7/4 vers 4 h , l'infirmière semblait très inquiète.  Au réveil ce matin ils m'ont débranché . Une infirmière a fait un prélèvement sanguin, une aide soin m'a préparé un nécessaire de toilette.
            La toilette au lit. Ça parait simple de l'autre côté de la barrière. Mais je préfère la faire seule qu'avec une aide soignante. Changer la chemise d'hôpital est toute une épreuve quand la perfusion est coincée dedans. J'ai été obligée de sonner pour qu'on me libère le bras . Ensuite une élève et l'aide soin sont venues pour changer les draps. Je suis ballotée de part et autre du lit car j'ai interdiction de me lever. L'élève vérifie mes constantes ,ma perf et me remet des patchs partout sur le corps. J'ai l'impression d'être soûle ou droguée . Ça cogne et sonne dans ma  tête. Le petit déjeuner est apporté par une Ash. Je me souviens d'elle. On avait travailler ensemble , et on avait eu du mal a s'apprivoiser au début. Elle ne souriait pas beaucoup a l'époque. Là elle semblait contente de me voir. L’élève revient dans la chambre , me demande comment je vais et me dit qu'elle va m'emmener faire une écho do-plaire . Je connais cet examen , ça consiste a mettre une souris sur une partie du corps afin de visualiser le réseau sanguin . L'élève et l'aide soignante m'ont laissé seule dans le couloir. La lumière m'aveuglait. J'ai attendu presque 30 -40 minutes comme ça . On ne se rend pas compte pour les patients à quel point le temps peut sembler long... Un monsieur a eu l'amabilité de mettre mon lit en face de la porte et là où il y avait moins de lumière . J'ai croisé la mère d'une amie d'enfance qui a été très surprise de me voir. Moi aussi d'ailleurs. Le médecin est arrivée, m'a installé dans le cabinet. J'étais gênée, je voulais aller aux toilettes . Quand je lui ai demandé , elle a dit qu'elle pouvait rien faire pour moi et qu'il allait falloir patienter parce qu'il n'y a pas de bassin dans son cabinet.  Elle pratique l'examen et m'explique tout en détail. Elle doit sentir que j'ai peur que ma carotide soit déchirée ou autre. Pour une fois qu'un médecin est doux , je ne vais pas me plaindre. Puis elle appelle vite mon unité pour qu'il vienne me chercher parce que là, ça urge.  De retour dans ma chambre j'ai du attendre 20 min de plus avant de pouvoir aller pisser , les résultats étant positifs les médecins ont décidé de me lever. Mais ma tension a encore chuté à 8. Donc j'ai attendu qu'elle remonte avec l'élève. Quand j'ai pu enfin me libérer , mon carrosse à roulettes m'attendait. Il était midi , j'avais faim , et j'allais encore faire un examen. L'Irm. Cette fameuse boîte où l'on peut observer tout le corps dans les moindres détails. La fameuse boîte où plusieurs mois auparavant j'étais derrière la vitre et non pas dedans. On m'explique comment ça se passe, on me met un casque sur les oreilles , une sonnette dans la main , et on cale ma tête dans un trou. Je sens la manipulatrice mettre le produit contraste. Ça fait mal . C'est ma perf qui me fait le plus souffrir. Quelle idée de la mettre au pli du coude.. L'examen me semble durer des heures. Je les observe derrière la vitre à l'aide d'un miroir au dessus de ma tête. Le bruit est assourdissant. Je n'entends presque pas bob Dylan me chantant une berceuse. La dernière fois que je suis venue ici , j'avais accompagnée une jeune femme de 29 ans, qui vivait à fond sa vie . Elle a été prise de vertiges et d'engourdissements. Total , elle avait une tumeur de la moelle épinière. Impressionnante la bestiole et surtout une bombe à retardement car elle se libérait dans les côtes. J'ai été tellement choquée par cette chose que je n'osais plus regarder cette jeune femme dans les yeux . Je ne sais pas ce qu'elle est devenue. J'espère qu'elle va bien et qu'elle est en bonne santé. 
             Je vois les médecins mais ils ne me disent rien de l'examen . L'élève revient me chercher. J'angoisse car j'imagine le pire. Dans la formation on nous demande de chercher pourquoi on pense comme ça , pourquoi on ressent ça. Alors j'essaie de trouver des réponses , c'est la seule chose rassurante. De retour dans ma chambre , on m'apporte un plateau repas . Pas très appétissant le choux mais j'ai tellement faim. Des amies viennent me voir. Quel soulagement. F , a eu la gentillesse de m'attacher les cheveux , je galérait depuis hier pour essayer de le faire moi même mais entre le brassard et la perf de l'autre côté c'était mission impossible. C , m' apporter le cours d'anglais en disant que ça m'occuperait au moins 10 minutes , ça m'a fait rire. P , semblait excitée , c'était drôle de la voir comme ça. Mais j'étais gênée qu'elles me voient comme ça . La blouse ouverte dans le dos , les jambes même pas rasées. Quand je pense qu'on m'a baladé dans les couloirs comme ça.. 
                     Les filles sont réparties en cours , je vois l'école d'infirmière de ma chambre. J'ai envie de venir. R, m'a appelé , il est angoissé et moi aussi . J'aimerais qu'il vienne. Maman a appelé aussi , elle dit qu'elle arrive bientôt. D'ailleurs,quand elle est arrivée,on m'a envoyé en consultation orl. Le même orl que mon père. Il n'a pas l'air de faire le rapprochement. Tant mieux. Il me met a l'aise . Pas comme avec les neurologues. Il m'ausculte et me dit que j'ai de très beaux tympans. Il décide de regarder avec moi l'Irm . Enfin ! On observe mon cerveau , il me complimente sur la taille de mon cerveau et sur la qualité de mes nerfs auditifs et oculaires. J'en ris . Il regarde aussi mon réseau sanguin qui va jusqu'au cerveau. Il me dit que c'est magnifique . Je dois admettre que j'aimerais bien l'encadrer celle la , ça ferait une décoration moderne . Le médecin en conclu que tout va bien pour mes oreilles et que je n'ai pas à m'inquiéter. J'attends tout de même l'avis des neurologues. De retour dans ma chambre , maman est là, on parle pendant des heures de chose et d'autre en attendant que papa vienne. On me transfère en neurologie. Je suis soulagée de ne plus être en soins intensif. C'est qu'il y a du mieux . Les migraines se calment un peu. Mais je sais bien que ce n'est pas le paracétamol qui me soulagera. E et C viennent me voir et mes parents repartent. On discute de l'école , des personnes qui nous entourent , des soirées à venir. Puis les migraines reviennent et je deviens comme déconnectée , droguée aux céphalées. Les filles le voient bien que je suis pas dans mon état normal. Elles me préviennent que les formateurs vont venir demain midi. Je n'ai pas trop envie qu'ils me voient comme ça . Mais l'attention me touche sincèrement. Je décide après leur départ de prendre une douche. Quelle épreuve... Se doucher à une main parce qu'il faut faire attention à ne pas mouiller la perf c'est difficile. S'habiller devient un parcours du combattant. Et j'ai mal au bras... Après cette tâche achevée je me remets au lit et appelle l'infirmière. Ça fait vraiment très mal la perf et c'est pas normal à ce que dit l'infirmière. Elle décide de l'enlever. Enfin je vais être débranchée totalement ! C'est l'élève qui me l'a retiré. Elle l'a retirée avec douceur mais ça n'a pas arrêter de couler , couler , couler . Les médecins avaient oublié d'enlever des anticoagulants alors ça risquait d'être compliqué. C'est l'élève qui m'a fait l'injection sous cutanée de lovenox dans le ventre . J'ai eu peur parce qu'elle a piqué plutôt près du nombril et on sait tous que toucher la paroi abdominale avec un anticoagulant peut entrainer un hématome abdominal et la mort du patient. Je n'étais pas très rassurée.
              La migraine toujours persistante , l'infirmière a appelé le médecin de garde. Il est arrive , très souriant , très agréable. On a discuté et il m'a demandé si je n'avais pas de problème de dos , je lui ai dis que si j'ai couramment mal et quand ça arrive je le fais craquer. Il regarde ma nuque et me dit qu'il faudrait une radio du Rachis et un Rdv chez l'ostéopathe . Il m'explique que ça peut être l'origine des migraines qui sont à l'origine des vertiges , engourdissements etc. Je suis de nouveau soulagée mais il faut encore que j'attende des médecins neurologues pour un avis le lendemain . Il a prescrit des médicaments plus fort qui m'ont calmé instantanément. Je suis réveillée à 4 h. Sans raison .Et je n'arrive pas à me rendormir. L'aide soin passe prendre ma température. L'infirmière passe me donner le traitement , on sert mon petit déjeuner . J'espère sortir. Je veux sortir. L'interne passe. Il se souvient de moi parce que je l'avais assisté sur une ponction lombaire quelques mois auparavant. il me tutoie et me demande pourquoi je suis la . son tutoiement me rassure . il m'ausculte , me pose des questions, me manipule et me dit que ce n'est rien , ce n'est pas grand chose. Mais ma tête devient de plus en plus lourde, pas douloureuse , lourde. Ma nuque me fait mal parce que j'essaye de maintenir ma tête droite. Alors je me laisse aller dans le fauteuil . 
                Une patiente cris , cris , cris. J'entends les infirmières râler . Sorti de son contexte on pourrait penser que c'est de la maltraitance mais je me souviens d'une patiente qui appeler toutes les deux minutes parce que sa montre n'était pas au bon endroit sur son poignet. Parfois ils abusent de la patience des soignants. Je regarde dehors , il fait vraiment pas beau pour le mois de juin. On m'apporte mon repas du midi . Pas tellement appétissant. L'infirmière m'apporte un médicament. Je lui dis que j'ai encore la tête lourde. Elle m'explique que c'est a cause du sérum physiologique que j'ai eu en perfusion. J'en ai reçu 3 litres. Ça m'a rendu un peu "pleine". Elle me dit que je vais être transférée dans une chambre double . Je refuse , je veux rentrer chez moi. Elle paraît étonnée. Je lui dis que j'ai des examens importants demain. Elle part préparer ma sortie. Elle semblait satisfaite de ma réponse et moi j'ai hâte de rentrer. La sortie est prévue à 14h et me voilà de retour chez moi. Avec les enfants qui crient et jouent. Mais je préfère ces cris que ceux de l'hôpital